Suite à la lutte entre romains et carthaginois, le Roussillon sera marqué par le passage d'Hannibal et ses éléphants de combat. Mais c'est aussi une période où la région sera prise quatre fois en 1200 ans : par les celtes, les romains, les wisigoths et les sarrasins.
-500 : Invasions celtes
De 700 à 500 avant JC eu lieu en Europe l'invasion Celtes. Issus du centre de l'Europe, les celtes envahirent rapidement le territoire de l’actuelle France, s'étendant de la côte Atlantique aux montagnes du Caucase. Tardivement, quelques tribus en -500 quittèrent leurs terres de Belgique pour tenter leurs chances plus au Sud. Dépassant les territoires déjà occupés de Bourgogne, du canal rhodanien puis de Provence, ceux-ci s'installèrent entre la Garonne, la Méditerranée et le Rhône. Ils s'agissaient des celtes Volques.
Les Celtes Volques étaient eux-mêmes composés des Volques Arécomiques, installés dans le Bas-Languedoc et en Provence, des Volques Tectosages, installés dans le Languedoc, et des Volques Bébrices, qui se sont installés en Roussillon.
Les Volques Bébrices furent les occupants du territoire pendant quatre siècles, jusqu'en 125 av. JC et la conquête romaine. Lorsqu'ils arrivèrent en Roussillon, ils tentèrent de s'implanter pacifiquement face aux Ibéro-Ligures déjà présents. Les quelques rebellions qui eurent lieu furent réduites à néant par la puissance celte, mieux armée et mieux préparée physiquement à la bataille. Rappelons qu’ils venaient de traverser la France, ce qui était à l'époque un gage de survie.
Une fois installés ils profitèrent des liens déjà établis entre leurs prédécesseurs et les civilisations méditerranéennes. La cohabitation fut donc généralement pacifique, la disparition des peuples primitifs ayant été plus due à une assimilation des personnes individuelles qu'à une suppression massive.
La traversée d'Hannibal le Carthaginois
Grâce aux échanges commerciaux les puissances méditerranéennes s’établirent peu à peu sur le territoire du Roussillon, en particulier les romains qui, en bonne entente avec les Celtes choisirent Ruscino en guise de capitale administrative romaine, alors que la capitale des celtes était à Illibéris (Elne).
Ruscino était une ville romaine sur le plateau de Château-Roussillon, à 2 Kms de Perpignan en direction de la mer. Ce site surplombe toute la plaine Nord du Roussillon, il était en plus au pied de la Têt, d’où son intérêt.
Tout se passe sans hostilité jusqu'à l'opposition de Rome et de Carthage. Ces deux puissances, montées trop vite et trop proches l'une de l'autre, se heurtent à de nombreuses reprises. Afin de vaincre Rome, les carthaginois envoient en -218 une armée pour détruire Rome. Cette armée, commandée par Hannibal et ses fameux éléphants passent les Pyrénées au col du Perthus.
Les troupes d'Hannibal s'arrêtèrent à Illibéris, capitale de la région.
Durant le temps de repos des troupes d’Hannibal les représentants de Rome sollicitèrent un rendez-vous à Ruscino avec les chefs celtes dans le but de les pousser à combattre les carthaginois. A la fin de l'entrevue, les chefs Celtes partirent à Illibéris écouter le discours d'Hannibal et prirent ensuite la décision de faciliter le passage d'Hannibal, créant une tension vive avec la puissante Rome. Pour la petite histoire, cette armée s'est enlisée près de Rome face à des soldats mieux préparés qu’eux. Rappelé à Carthage, il fut tardif dans son retour et c'est ce retard qui a causé la chute de l'empire carthaginois, vaincu par une armée plus rapide de romains.
La conquête romaine
Bien évidemment l’attitude des celtes vis à vis des romains eut de graves conséquences. La conquête de la Gaule par l'empire romain se déroula durant le IIe siècle avant JC. En -121, le Roussillon est conquis militairement, et il est officiellement rattaché à la province romaine de la Narbonnaise dont la capitale est Narbonne. Au plan local, la région était divisée en deux. D'une part la plaine du Roussillon, qui dépendait administrativement de sa capitale Ruscino et à laquelle était rattachée également le Haut-Conflent et le Capcir, et d'autre part de la Cerdagne qui dépendait, elle, de la capitale d'altitude Llivia, elle même rattachée à une autre région, la "Provincia Tarraconensis".
Cependant, il ne faut pas considérer l'invasion comme un brutal massacre des peuples locaux, les romains possédant déjà des colonies en Roussillon dont ils tiraient un commerce florissant, ils prirent soins d’éviter les heurts. Ce qui n'empêcha pas quelques rebellions des cérêtes en -39, rebellions bien vite écrasées par le pouvoir romain.
Le but de cette invasion était plus de s'octroyer les terrains et ressources locales plutôt que d'exercer une hégémonie sur les peuples. En effet il devenait vital de couper les cordons d'alimentations en ressources des autres civilisations, celles-ci concurrençant dangereusement le pouvoir de Rome. C’est ainsi que les Celtes furent séparés des autres civilisations.
Les bienfaits des romains sur le développement de la région
Une fois conquis, les romains ont développé la région comme ils en avaient l'habitude, apportant aux Celtes un savoir-faire inconnu jusque là. Les traditionnels objets celtes subirent l'influence romaine comme l'on montré les différents fragments trouvés un peu partout dans la région. Par exemple, à Garrius, ville romaine au bord de l'étang de Salses (à présent disparue), des tombes et des amphores de cette poque furent découvertes.
Par ailleurs ils découpèrent ces nouveaux territoires en "Pagus", (Pays). Ainsi apparurent les "Pagi Livensis" (Llivia), "Pagi Redenensis" (Razès et Capcir), "Fenolictensis" (Fenouillèdes), "Pagi Conflentis" (Conflent), "Pagi Vallis Aspéri" (Vallespir) et "Pagi Ruscienonensis" (Roussillon). On retrouve un découpage identique de nos jours.
En enrôlant les celtes dans leurs armées, les romains leurs donnèrent des capacités qu'ils ne connaissent pas alors, comme la discipline, l'art de commander. Côté civil, c'est la même chose avec la découverte des sciences, de l'art (encore qu'en se domaine, ils s'y connaissaient déjà). Peu à peu, le langage barbare employé disparaît au profit du latin. Cette période fut une période de développement forcée qui définira les bases de notre pays.
La capitale de la région fut officiellement déplacée de Illibéris à Ruscino. Illibéris tomba en désuétude mais conserva tout de même son importance en tant que port. En effet, à l'époque la mer arrivait jusqu'aux pieds des remparts.
Développement des activités
Par ailleurs les romains se lancèrent dans une vaste opération de recensement des ressources naturelles. Ils en définirent les activités qu'ils pouvaient développer dans la région et le résultat fut complet.
- L'activité portuaire de Port-Vendres et Canet assurait un point d'entrée maritime pour les ressources non disponibles sur place, cela faisait essentiellement tourner le commerce.
- Le Canigou fournissait du fer en grande quantité, ils développèrent l'Industrie métallurgique dans des forges locales, en particulier dans les vallées de la Llentilla (Baillestavy) et du Tech (Arles).
- L'introduction de nouvelles cultures comme la vigne et les fruitiers se répandirent rapidement, mais dans des endroits ciblés.
Dès les premiers temps de l'occupation, les romains ont modelé le paysage pour mieux le contrôler. Toute la plaine fut quadrillée de carrés de 710m de côté (une centurie), chaque carré étant séparé de son voisin par un chemin bordé de fossés. Ces portions de terre furent distribuées à des romains désireux de s'installer en famille pour cultiver un domaine agraire. Certaines de ces "domus" se sont transformées en village, comme Corneilla-la-rivière.
Ruscino devenant une capitale d'importance, plusieurs nouveaux bâtiments prestigieux y furent construits : des thermes, un théâtre, un forum. D'autres lieux doivent leurs existences à ces constructions : Amélie les bains, où les romains ont construit des gigantesques thermes, ainsi que plusieurs autres villages de Cerdagne : Dorrès, Llo.
Les voies romaines
Il fallut également créer de toutes pièces un réseau de communication. Puisque les celtes ne se déplaçaient quasiment pas (une grande partie de leurs approvisionnements arrivaient par bateaux), ils n'avaient pas créer de routes. Les romains vont pallier à ce problème en construisant une route joignant Rome au fond de l'Espagne et traversant le Roussillon, la Via Domitia.
C'est Dominus Ahenobarbus, empereur, qui décida de sa construction.
Bien sûr, la Via Domitia n'étant pas la seule voie d'accès au Roussillon. La péninsule ibérique était elle aussi conquise, une deuxième voie fut créé pour relier les provinces du centre de l'actuelle Espagne à la plaine Roussillon : la Via Confluentana. Cette deuxième voie traversait la Cerdagne de part en part et redescendait la vallée de la Têt jusqu'à Illibéris. C'était l'ancêtre de la RN116.
Voies romaines en Roussillon
Pour rejoindre Elne, elle devait passer plus au Sud que la route que nous connaissons aujourd'hui. En quittant cette ville, la Via Confluentana traversait Montescot, Nils, Ponteilla, la Serra d'en Vaquer au Sud de Perpignan, puis Terrats, Llupia, Thuir, Corbère, St Michel de Llotes, Bouleternère, la tour de Rigarda, puis plus loin Marquixanes, Codalet et elle rejoignait le plateau Cerdan.
D'autres voies furent construite : La Via Vallespiri qui remontait la vallée du Tech et passait en Espagne par le col d'Ares, et la Via Fenollentisis, qui passait à St-Paul-de-Fenouillet. Comme quoi on n'a rien inventé.
Perte d'importance de la région
Durant le IVe siècle Rome se tourne vers de nouvelles conquêtes : les îles britanniques. Le Roussillon va perdre de son intérêt, matérialisé en 337 par le transfert de la capitale de Ruscino à Illibéris. Cette ville changea de nom, elle devint Helenae en honneur de la mère de l'empereur Constantin alors au pouvoir. Par dérivatif, Hélénae est devenu Elena, puis Elne. Il y transféra le pouvoir central et la ville connu alors un second souffle au mépris de Ruscino.
Le nombre de soldats a baissé, et par voie de conséquence l'insécurité a augmenté. Il devenait urgent de fortifier des lignes de défenses naturelles, et c'est dans ce sens que fut fondé le château de Collioure et d'Ultréra, construit à cette époque.
Collioure défendait l'accès de Port-Vendres et Ultréra le col du Perthus où passait la Via Domitia.
C'est à cet endroit que le général Pompée fit édifier en 71 avant JC un trophée à la gloire de son armée (et à la sienne, surtout) : le fameux Trophée de Pompée, que l'on a cherché longtemps dans toute la région.
Traces des romains en Roussillon
Ayant dominés la région pendant plus de cinq siècles, les romains ont inévitablement laissé des traces que l'on retrouve de temps à autre au gré des recherches effectuées. Par exemple en Cerdagne, Angoustrine conserve dans son église un autel qui était à l'origine un cippe romain comportant une inscription votive à leur dieu Jupiter.
En Vallespir, à Amélie-les-bains plus précisément, il a été retrouvé de nombreuses médailles impériales, un four à tuiles, des fabriques de poteries, des meules, et même les restes d'un aqueduc. Un peu plus bas, à Palalda, d'autres médailles ont également été trouvées.
En Conflent, Catllar est également un site romain : on y a trouvé une colonne romaine. Des poteries étaient enterrées à Joncet. Dans la plaine, Corneilla-del-Vercol possède une inscription romaine, des vestiges romains se trouvent aussi à Palol, près de Latour-bas-Elne, et quelques médailles se trouvaient sur la commune de St Cyprien. Plus au Nord Espira-de-l'Agly conserve les débris d'un pont, et Peyrestortes un aqueduc enfoui dans le sol. En exécutant des travaux sur Pia, des entrepreneurs ont mis à jour une superbe mosaïque romaine... malheureusement aussitôt coulée dans le béton, car ils n'avaient pas compris l'importance de leur découverte !
Par ailleurs à St-André-de-Sorède il a été trouvé un cippe romain de 239 après JC, et un autre consacré à Mercure. Enfin citons la Via Domitia dont les restes sont parfois visibles à Théza ou au Perthus.
Cette liste n'est bien sûr pas exhaustive, ce ne sont que quelques exemples parmi d'autres.
La fin de l'Antiquité est proche. Les peuples dits "barbares", qui étaient en paix sur le territoire de l'actuelle Allemagne, se voient repoussés par les huns, qui les forcent à se rapprocher des romains. Malheureusement ceux-ci ne purent faire face à l'afflux de population et ne purent résister aux envahisseurs, ce qui provoqua la chute de Rome. Commença alors l'époque des invasions barbares.