L'unification Castillano-Aragonaise
En 1504 la reine Isabelle s'éteint. Vu que les deux royaumes étaient toujours distincts, c'est son gendre qui revendiqua la couronne castillane. En effet, la fille commune de Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille s'était marié à l'archiduc Philippe de Hasbourg, fils de l'empereur Maximilien. C'est donc un roi du Nord de l'Europe qui devint roi de Castille, alors que le veuf Ferdinand II d'Aragon retourna dans son royaume. Là bas, il y épousera Germaine de Foix, et les deux royaumes sont à nouveau séparés.
Mais voilà que le 25 juin 1506 Philippe décède, laissant un héritier mâle, Charles. Ferdinand II sauta sur l'occasion pour proclamer Charles, alors héritier incontesté du royaume de Castille, futur roi d'Aragon : il était son seul petit fils. Charles 1er monte sur le trône de la coalition arago-castillane en 1516, à la mort de Ferdinand II. Cet évènement marque le début d'une nouvelle dynastie, les Hasbourg, desquels dépendront pendant longtemps encore les comtés du Roussillon et de Cerdagne.
En 1519, l'empereur Maximilien, grand-père de Charles 1er, meurt. Ce dernier devient alors empereur sous le nom de Charles Quint. A cette époque, les deux anciens royaumes étaient toujours rivaux, chacun ayant ses propres lois, ses propres coutumes. Or les catalans ayant eux aussi une spécificité culturelle ainsi qu'un long passé d'autonomie, l'Espagne n'était alors qu'une juxtaposition des trois régions.
Charles 1er était un roi aimé des catalans car ils ne l'étaient pas des castillans ni des aragonais. Il faut dire qu'il favorisa l'industrie catalane, développa la flotte et augmenta le commerce, et les autres régions furent jalouses de ces faveurs. De 1520 à 1522 les castillans se soulevèrent contre l'empereur, ce fut la guerre des Comunidades. En Espagne, seul les catalans approuvèrent la maîtrise de la rébellion.
François Ier roi de France décide alors de reprendre ses velléités de conquêtes et envoi le dauphin de France, futur Henri II, à la tête d'une armée reprendre Perpignan. Cette cible a été choisi car la France s'était heurté à Charles Quint pour des territoires du Nord, il s'agissait donc de conquérir un objectif symbolique.
Le dauphin revint peu de temps après vers son père pour lui avouer son échec, les espagnols ayant taillés en pièces l'armée de son père. A la mort de Charles 1er, en 1556, son fils Philippe II monte sur le trône. Durant son règne ce nouveau roi applique une politique de centralisation. Vu que la Castille était plus puissante que l'Aragon, Philippe II structura son nouveau pays sur ce modèle au lieu de le faire sur celui de l'Aragon : Madrid fut sa nouvelle capitale, les institutions furent celles de la Castille, les autres constitutions ou traditions locales furent supprimées ou oubliées. Etant donné que la Catalogne possédait de nombreuses particularités, elle ne fut plus un centre d'intérêt pour le roi.
Les Bandolers
La deuxième moitié du XVIe siècle fut marqué par les effets de la découverte de l'Amérique. Au Pérou et au Mexique, les espagnols extrayaient de l'argent des mines souterraines. Cet argent brut arrivait par bateaux sur la côte ouest de l'Espagne, à Séville et à Cadix, puis traversait le pays jusqu'à Barcelone et Valence où il reprenait un autre bateau à destination de Gênes, là où étaient les banquiers.
Tant de richesses à portée de mains tentaient les brigands de toutes sortes. Certains d'entre eux s'étaient organisés en bande pour voler les transporteurs, et ça dans la région Barcelonaise. Les bandolers, nom donné à ces bandes, pouvaient facilement se camoufler en France, en pleine guerre de religion. Les zones de replis principales étaient Urgell et la Cerdagne, en particulier les Nyeros, qui se réfugiaient à Nyer, et les Cadelles, à Vic (Cerdagne espagnole)
Les voleurs s'assuraient du silence de la population en reversant une partie de leurs forfaits aux paysans. Ainsi ils disposaient de nombreux appuis un peu partout en même temps que de nombreuses caches. Les bandolers étaient revendicatifs : ils prétendaient lutter à leur façon contre le gouvernement. Ces méfaits ont porté un grand coup à l'économie espagnole, mais ça n'a pas arrêté les transports de minerais pour autant.
Début de la crise interne espagnole
Peu à peu l'économie catalane repart, mais pas celle de la Cerdagne ni du Roussillon. Il faut dire qu'à cette époque, les deux comtés étaient peu peuplés, donc il y avait peu de main d'œuvre pour produire. Seul le Vallespir conservait des industries, partout ailleurs les ressources des habitants de la Catalogne Nord ne résidaient que dans l'agriculture et l'élevage.
Survint alors un évènement majeur dans l'histoire de France : la St Barthélemy. Les adeptes de la réforme, en France, furent massacrés à Paris et par voie de conséquence furent poursuivit les année suivantes, et cela jusqu'à l'édit de Nantes qui mit fin à cette état de fait. Une partie des protestants fuyant la France vinrent en Roussillon, mais cette région était elle aussi essentiellement catholique, ce qui fait qu'ils ne furent pas en sécurité pour autant. Une première vague d'émigrants arrivèrent en 1570 jusqu'à Estagel. Pourchassés de toute part, ils se déplaçaient en bandes et n'hésitaient pas eux aussi à utiliser la force pour s'imposer dans un lieu.
Une 2e vague arriva en 1592 où l'une des bandes parvient jusqu'à Vinça, mais la population excédée tenta de les tuer, ce qu'ils parvinrent à faire en partie. Il faut dire qu'à cette époque la population était plutôt agressive. Tous étaient armés et ils n'hésitaient pas à tuer pour se rendre justice eux-même. D'ailleurs Philippe II dû prendre un arrêté pour interdire les "poitrinals", des arquebuses portatives afin de réduire un peu cette violence.
En 1598, Philippe II décède. C'est son fils Philippe III qui monte sur le trône. A partir de ce moment la Castille commença à se plaindre du peu d'effort fourni par la Catalogne dans la participation nationale, et ça malgré un don de 1 100 000 livres barcelonaises consenti en 1599. Or il y a de moins en moins de métal en Amériques, et la politique hégémonique de la Castille coûte cher.
Les dirigeants castillans montèrent donc le ton pour influencer les dirigeants catalans à participer plus. Mais les Corts s'y opposèrent, entraînant une impasse politique.
Demande de séparation de la Catalogne
A partir de 1621 c'est Philippe IV qui dirige la coalition Aragon-Castille. L'une de ces décision consista à prélever en direct un cinquième des taxes imposées en Catalogne de façon à les contraindre à se conformer à l'effort commun. Les Corts, réunis en 1626, protestèrent vigoureusement contre ces exigences, et cela malgré le fait que cette assemblée était largement castillanisée. Face à ce refus, Philippe IV se vexe et rentre à Madrid.
Politiquement, Philippe IV s'appuyait sur le comte-duc Olivarès. Ce dernier influençait le roi pour créer une monarchie à la française, c'est à dire le plus centralisé possible. Il fallait donc que la Catalogne cède. Par ailleurs la Catalogne Nord se plaint auprès de Barcelone d'être laissée de côté. Économiquement et démographiquement plus faible, Perpignan en a assez de payer sans jamais recevoir. Les roussillonnais et les cerdans commencent à vouloir l'indépendance vis à vis de la Catalogne, alors que la Catalogne elle-même poursuit depuis des années l'objectif d'être indépendant de l'Espagne.
C'est un certain Andreu Bosch, un perpignanais, qui met le feu au poudre. Il écrit un livre intitulé "Traité de droits et d'histoire du perpignanais" dans lequel il justifie la cession du Nord et du Sud. Pour obliger Barcelone à traiter, les perpignanais demande l'arbitrage royal. Évidemment, c'était une opération très dangereuse car le roi n'était pas favorable à un démantèlement de ces territoires, mais ils comptaient sur l'opposition de Barcelone et de Madrid pour que la balance penche de leur côté. Le roi décida de ne pas prendre position sur ce dossier, et la situation s'enlisa.
La France attaque le Roussillon
Or de 1618 à 1648 commence une lutte entre la France et l'Espagne. En fait, il s'agissait d'une lutte de pouvoir entre les familles de Bourbons, françaises et protestantes, et les Hasbourg, espagnoles et catholiques, qui s'étendit sur toute l'Europe, mais elle va avoir des conséquences graves pour la région qui nous concerne.
Le 19 mai 1635 la France déclare la guerre à l'Espagne. La menace d'une offensive sur le Roussillon amène le roi à mettre en place une défense appropriée, mais la difficulté était que cette défense devait être mise en place sur un territoire en opposition avec lui, et qui plus est un territoire dont il n'a pas su résoudre le problème quelques années auparavant.
Pour pousser les catalans à défendre leurs terres, Philippe IV a invoqué un article de la constitution catalane qui prévoyait qu'en cas de guerre les catalans ont l'obligation de prendre les armes. Le hic, c'est que cet article prévoyait également que le roi lui-même devait être à la tête de l'armée ainsi constituée, ce qu'il ne désirait pas. Pour passer outre cette obligation, il faut que les Corts se réunissent, or c'est toujours au roi de les réunir, ce qu'il fait tardivement.
Le temps de prendre toute ces décisions, le comte-duc Olivarès achète des mercenaires et les envoi dans le Roussillon. Le 29 août 1637, ils attaquèrent et prirent Leucate, mais les roussillonnais ne cherchèrent pas à les aider pour conserver cette position : Ils étaient en attente de la décision des Corts à leur sujet. Du coup l'armée française les en délogèrent peu après.
Le 2 janvier 1639, Olivarès décide que les catalans devront payer 50 000 livres pour palier à leur immobilité. Par la même occasion, les français qui vivaient en Catalogne eurent une taxe spécialeà payer sous peine de 5 ans de galère. Le 10 juin 1639 les français attaquèrent la Forteresse de Salses ainsi que celle d'Opoul. Les généraux Comdé et Schomberg les prennent et poussèrent des incursions dans les Corbières et sur la Salanque jusqu'à Pia et Bompas. Vingrau tombe le 18 juin, le château de Tautavel le 10 septembre. Rivesaltes tombe aussi. Le 19 juillet les roussillonnais réagissent enfin en parvenant à réunir 7 compagnies de 150 volontaires chacune. Aidées les mercenaires d'Olivarès (les Tiercios), ils parvinrent à repousser les français au delà des Corbières. Salses et reprise.
Les Tiercios ravagent le Roussillon
Malheureusement les tiercios n'étaient pas des enfants de cœur. Peu ou pas payés du tout, ils se servaient chez l'habitant de tout ce dont ils avaient besoin. Or vu qu'ils étaient 30 000, ils étaient devenus la terreur des catalans du Nord. Olivarès laissait cet état de fait en guise de punition. C'est ainsi que pendant la période 1637-1639 les vols, assassinats, viols, sacrilèges étaient légion.
Après la victoire les tiercios partirent en Empourdan, sur l'autre versant des Pyrénées, mais ils y firent tellement de dégâts que les paysans se révoltèrent. Chassés de ces terres, ils revinrent dans le Roussillon où ils trouvèrent les garnisons des grandes villes à leurs côtés. (Ils étaient payés par les espagnols).
Assiégeants Perpignan, les Tiercios négocièrent entre le 12 et le 14 juin 1640 l'ouverture de la ville, qui eu lieu le 14, avec la promesse de ne pas faire de dégâts. Mais cette promesse ne fut pas tenue et la ville fut mise à sac. Puis, manquant de nourriture, les tiercios se répartirent dans la plaine et disparurent enfin.
La France se rend maître du Roussillon
La guerre de 30 ans a eu de lourdes conséquences sur la population du Roussillon. Afin de tenter de stabiliser la région, ils imposèrent aux catalans de proclamer la république ou de nommer un roi, mais quoi qu'il se passe d'acquérir leur indépendance vis à vis de l'Espagne.
La Catalogne choisit Louis XIII, roi de France, le 7 septembre 1640, comme nouveau comte de Barcelone.
Annexion pacifique de Louis XIII
Grâce à cette nomination les français firent leur entrée pacifiquement dans le Roussillon, mais les trois plus importantes garnisons ne furent pas évacuées par les castillans (Salses, Perpignan et Collioure) Par ailleurs le chef de tiercios, Juan de Arce, essaye d'occuper Ille-sur-Têt pour verrouiller le Conflent. Mais la ville ferme ses remparts (23 septembre 1640) et les tiercios l'assiégèrent.
Les franco-catalans levèrent le siège par la force, mais ils revinrent peu de temps après. A nouveau délogé, c'est en rage qu'ils se replièrent sur Perpignan en détruisant tous les villages qu'ils croisèrent sur leur route : Corneilla-la-rivière, Le Soler, Toulouges, etc.
Sous la menace d'une nouvelle armée de Philippe IV, la Catalogne se mit directement sous l'autorité du roi de France le 23 janvier 1641. Ainsi trois jours plus tard c'est légitimement que Louis XIII riposte à l'attaque lancée le 26 contre le Roussillon. Ce fut une victoire des français (bataille de Montjuic). Une étape supplémentaire est passée le 19 septembre 1641 à Péronne avec la signature d'un traité qui fait officiellement de Louis XIII le Comte de Barcelone, du Roussillon et de la Cerdagne. Le 23 février 1642, ce traité est confirmé religieusement par l'énoncé d'un serment en la cathédrale de Barcelone.
Durant l'été 1641 Louis XIII met le paquet pour faire tomber l'une des trois places fortes résistantes : Perpignan. un siège énorme à lieu sur la ville du 4 novembre 1641 au 9 septembre 1642. Durant le printemps 1642, Louis XIII vient lui même à Saint Estève pour superviser les combats et y attendre la reddition de la ville. Il dû attendre jusqu'au 9 septembre 1642.
Le Traité des Pyrénées
Le 14 mai 1643 Louis XIII décède, et son successeur Louis XIV n'a que 5 ans. Une période de régence s'installe, suivi d'émeutes (la Fronde) Face à cette crise française interne Philippe IV en profite pour reconquérir les Albères, puis il s'étend. Peu à peu, Barcelone est visée. La capitale tombe en 1651, abandonnée par les français. Les escarmouches se poursuivent : Les français prennent la Seu d'Urgell, puis Puigcerda, alors que les espagnols gagnent le Conflent. Mais déjà les négociations ont commencé, les combats se calment un peu.
Le 9 mai 1659 un cessez-le-feu bilatéral est décrété, puis le 7 novembre 1659 eu lieu le traité des Pyrénées qui fixa la frontière entre les deux pays, mais de façon imprécise. D'ailleurs il restait à régler le problème de la Cerdagne, à cheval sur les deux pays. Les catalans furent mis à l'écart de la négociation.
Le traité des Pyrénées
Mais il fallut attendre le 12 novembre 1660, à Llivia, pour que l'on fixe les noms des 33 villages. Considéré comme une ville, Llivia en fut exclue et c'est la raison pour laquelle elle est toujours espagnole de nos jours, enclavée dans la France. Cette enclave était desservie par deux routes, une au Nord vers la France et une autre au Sud vers l'Espagne. Cette dernière était considérée comme espagnole, mais les conflits inévitables qui y avaient lieu étaient jugés par un tribunal spécialement conçu pour traiter de pareils cas.
La suite de l'histoire du Roussillon concerne le Roussillon au moment où il est devenu français, aux XVIIe et XVIIIe siècle.