Le village de Thuès est petit, il n'est connu que pour les gorges de la Carança, des gorges relativement étroites ayant leurs points de départ
dans ce village.
Le village lui-même n'est constitué que de quelques maisons de part et d'autre de la Têt, la rivière locale. Il est au bord de la Nationale.
Difficile de l'apprécier tellement il y a peu de maisons et peu de choses à y faire.Il n'a même pas le calme de certain autres villages, plus loin
de la route, ni l'ensoleillement de ceux qui sont sur les hauteurs. Bloqué au fond de la vallée de la Têt, à l'ombre et l'humidité de la Têt, au
bruit et au passage, on comprend pourquoi Thuès ne s'est pas vraiment développé.
Par contre les gorges de la Carança, seul point d'intérêt du village, valent vraiment le coup. Il existe plusieurs sentiers passant soit dans la
forêt (ça grimpe), soit le long de la falaise. Dans ce dernier cas, attention, le chemin a été creusé dans la roche de la falaise et une main
courante permet de se tenir. Pas d'imprudence, la chute est mortelle dans la plupart des cas. Au bout d'une demi-heure de marche les gorges
remontent au niveau des chemins et le sentier suit la rivière. Il y a des passerelles pour la franchir, 6 (de mémoire). Cette partie de la
randonnée est assez amusante. Vous pouvez monter assez loin, et même passer la nuit dans le refuge de la Carança, mais il faudra vous renseigner
avant sur sa disponibilité.
A noter également la présence d'une gare SNCF sur le trajet du petit train jaune. Ceux qui veulent "se faire" la Carança dans la journée peuvent
monter en train, c'est plus sympathique.
Histoire
Origine du village
Si le plateau cerdan nous a légué de riches preuves d'habitats du néolithique, la vallée de la Têt est beaucoup plus pauvre de restes
préhistoriques. Il faut dire qu'elle beaucoup trop encaissée, ne permettant pas de survivre. Il ne pouvait s'agir que d'un lieu de passage,
or les hommes préhistoriques ne se déplaçaient pas facilement.
Il faudra donc attendre l'arrivée des romains pour avoir des reliquats d'habitats de la vallée. Ce sont eux qui sont à l'origine de la
première voie de communication entre la plaine et la Cerdagne, la Via Confluentana. Cette
voie romaine fit migrer des romains qui sont venus s'installer définitivement dans la région. Thuès a cette origine là. A la chute de
l'empire romain, les wisigoths prirent possession de la région mais nous n'avons pas de traces de leurs passages. Il est probablement
qu'ils n'aient pas vraiment habité la vallée.
Enfin arrivèrent les carolingiens, victorieux des sarrasins en 811. A leurs suites, ce sont tout d'abord les moines qui arrivèrent,
créant non seulement leurs monastères mais surtout une foule de chapelles dans des lieux reculés destinées à promouvoir la religion
chrétienne dans toute la vallée. Au IXe siècle l'abbaye de St Michel de Cuxa, déjà
fort puissante, favorisa l'implantation des sites de St Romain, Thuès et Trèsballs. C'est en 952 qu'apparaissent pour la première fois
dans un document les villages de Trèsballs et de Thuès, avec le mas de l'Albaret. Les trois lieux sont cités dans un document indiquant
les possessions de l'abbaye St Michel de Cuxa.
Thuès était cité sous le nom de son église St Génis et Trèsballs sous celui de St André. Albaret était un gros mas regroupant plusieurs
familles dans la forêt de Campilles, beaucoup plus loin dans la vallée de la Carença. Il disparaîtra assez rapidement aux cours du XIIe ou
XIIIe siècle. On note que St Romain avait déjà disparu, sinon il aurait fait parti de la liste des possessions.
St Romain
St Romain est un village totalement disparu de nos jours, et ça dès le début du Moyen-âge. Seul le nom chrétien nous prouve que des
carolingiens l'avaient habités, mais il n'y en a pas d'autres traces. Il se trouvait sur la rive droite de la Têt, près du bord, à un
kilomètre de Thuès. Le pont Séjourné, qui fait passer le petit train jaune a été construit juste au dessus. Son dépeuplement est dû
au transfert de population entre St Romain et Thuès.
Thuès
Peuplé dès l'époque romaine, Thuès c'est vraiment développé durant le XIIe siècle avec la chute de St Romain puis à partir du XVIe
avec celle de Trèsballs. Le village apparaît durant le XIVe siècle où l'on voit que le roi de Majorque avait des droits sur la forêt de
Thuès : Pierre IV avait engagé à des particuliers de Barcelone El forestatge del bosch de Querença (la bois de la Carença) et les rentes
qu'il percevait sur le moli serrador del dit bosch. (le moulin du dit bois) En 1399 l'abbé de Cuxa inféodait à Pons Descatllar une forge
sise à Thuès avec les droits de charbonner dans les bois de son territoire. En novembre 1440 conjointement avec le roi d'Aragon, co-seigneur
de Thuès, il lui confirmait la possession des bois de Querença avec faculté d'y installer une scierie de planches.
Thuès était donc une copropriété royale partagée avec l'abbaye de St Michel de Cuxa. La forge de Thuès avait été cédé plus tard à la
famile Bertran de Catllar et revendu le 4 octobre 1577 à don Thomas de Banyuls. Cette forge, dont la propriété resta aux seigneurs de
Nyer jusqu'à la révolution fut une des plus importantes de la région.
On trouve ensuite une trace de François de Banyuls son héritier, qui possédait en 1613 une masade à Trèsballs, le moulin banal de Thuès
et des prairies. Il céda vers 1630 le martinet à Joseph Géli. On devait à Thuès la dîme des fruits à la dizaine en gerbe. Le 1er mai 1759
les fermiers de l'abbaye St Michel sous affermaient pour 4 ans et pour une rente annuelle de 480 livres toutes dîmes, droits de lods et
autres composant les revenus seigneuriaux du lieu de Thues-Entrevalls. De 1781 à 1788 les revenus de Thuès n'était que de 250 livres.
Arrive alors la révolution qui déclara propriété de la nation tout ce qui avait appartenu à l'abbaye. La famille de Banyuls fut spolié
mais cependant, en 1817, il fut fait restitution à Raymond de Banyuls de la montagne en partie boisée dite des gorgs de Quérança, d'une
étendue de 300 hectares. La commune de Thuès ayant plus tard réclamée des droits de propriété sur les forêts de son territoire, un arrêt
de la cours royale du 1er août 1834 se prononça en faveur de l'état contre elle et contre le marquis Banyuls de Montferrer, ne leur
accordant qu'un simple droit de d'usage. Un jugement du 17 juillet 1837 débouta la commune de Souanyas de ses prétentions sur les mêmes
montagnes, ne lui reconnaissant que le droit d'usage.
Thuès n'ayant aucun revenu, les consuls n'avaient qu'à s'occuper de la répartition des tailles. Le village dû payer en 1780 seulement
300 livres pour l'imposition et la capitation. En 1784 il fallut répartir la somme de 78 livres 2 sols de l'imposition ordinaire sur 29
contribuables. En 1791 l'imposition et la capitation s'élevait ensemble à 381 livres 2 sols. Les taxes des trois privilégiés faisait la
moitié de la somme :
- Marquis de Montferrer : 177 livres
- Philibert Bordes : 33 livres
- Ruffine Cassoli de Rodez : 15 livres
- le curé : 2 livres 11 sols
Le reste fut réparti sur 33 autres contribuables. Les curés de Thuès desservaient aussi le petit village de Llar. Après la révolution
il dû également desservir Canaveilles.
L'église de Thuès, consacrée à St Génis, est à nef unique, surmontée d'une voûte en berceau. Son abside était autrefois semi-circulaire
mais au XIIIe siècle on le tronqua pour le rendre plat, tel qu'il est aujourd'hui. Une deuxième vague de travaux apporte une seconde nef
séparée de la nef initiale par deux arcatures reposants sur un pilier massif. A cette occasion on y peignit de nombreux décors dont il
nous reste quelques traces aujourd'hui.
Trèsballs
Trèsballs était situé plus au Sud, sur les hauteurs. L'origine du village, comme beaucoup en Conflent, venait de la migration des habitants
de la plaine fuyant les invasions barbares, puis sarrasines du premier millénaire. Le village, isolé, devait être autarcique : il était constitué
essentiellement de paysans.
En 1737 Tréballs ne comptait que deux familles d'agriculteurs. Il y avait 8 maisons, mais les autres habitants était à Thuès. On mentionnait à
cette époque le ravin de la tour, prouvant que Trèsball était fortifié, celui de l'église, les lieux-dits "als meners" et "al pla de la cella". La
Cella était une petite cellera, une enceinte fortifiée. Par ailleurs les habitants avaient construit un aqueduc pour amener l'eau de la fontaine
"del ciré" (des cerisiers) au coeur du village.
Durant le XVIIIe siècle l'isolement du village força les habitants à se rabattre sur Thuès, plus proche des voies de circulation. C'est ainsi
que Trèsballs disparu définitivement.
La chapelle St Jean est toujours visible, bien que sérieusement en ruine. Elle est à nef unique, sous une voûte en berceau brisé. Elle a une
abside semi-circulaire et un clocher-tour carré.