Les tours à signaux sont des éléments défensifs médiévaux destinés à faire transiter une information d'un lieu à un autre.
Connues et employées des romains, ce système fut amélioré et étendu par les carolingiens qui les utilisèrent en Corse, en Toscane, en Liguries, en Provence et en Languedoc. Mais le Roussillon a une véritable spécificité : Les tours furent construites en même temps dans un but unique. Le Roussillon possède donc un réseau de tours uniforme et homogène. Ce sont les rois de Majorque, à partir de 1285, qui créèrent ce système d'alerte assez efficace. Il sera poursuivit dans le même but par les rois d'Aragon jusqu'en 1390, puis sera progressivement abandonné.
Notons toutefois que les français continuaient à en construire en 1780 ! Schématiquement on peut définir trois périodes de construction :
La première période est antérieure aux rois de Majorque, elle date des tout débuts de l'époque carolingienne. Les tours étaient souvent de la réutilisation de celles construites par les wisigoths et les romains. L'idée générale était de faire signaler un danger de la côte vers l'intérieur des terres. En effet à cette époque la plaine était relativement déserte, toute la population était concentrée dans les vallées des Albères, du Fenouillèdes ou du Conflent, voire de la Cerdagne.
La deuxième période correspond au haut Moyen-âge, c'est à dire l'apparition des seigneuries. Dès le Xe siècle mais plus particulièrement au XIe, les familles plus importantes que les autres prirent l'ascendant sur les hameaux où elles résidaient, rachetant la terre. Il va se créer ainsi des Monsieur, Senyor en catalan qui donneront des seigneurs. Ces seigneurs dominaient plusieurs hameaux, ils avaient donc tout intérêt à construire un système de défense qui leurs soient propres, surtout qu'en ces temps lointains les guerres entre seigneurs étaient légions. Les tours à signaux servaient donc à protéger une région relativement petite, comme une vallée étendue ou un massif montagneux. La plupart du temps ce dispositif avait un point central, le château du seigneur.
La troisième période est celle des rois de Majorque et d'Aragon. Basée sur des constructions neuves, elles étaient destinées à indiquer faire descendre une information des montagnes vers la plaine où se trouvaient les châteaux royaux de Perpignan et de Collioure. Les tours étaient donc placées sur des cols ou des pics de façon à ce que du fond de la vallée on en voit la partie basse.
Ces tours communiquaient entre elles par un seul moyen : le feu. La journée, la fumée se voyait au loin. La nuit, c'est l'éclat du feu qui faisait office de signal. Au XIVe siècle leurs usages furent règlementés par Pierre IV. Les signaux étaient nommés des "farons" ou "faraons". Les "faraoner" était celui qui était en charge de la tour.
Il était possible également de donner des précisions sur les forces en présence en faisant des nuages de fumée. Ce n'est pas une plaisanterie indienne mais ce système fonctionnait bien : un nuage par 500 hommes à pieds.
Les tours de la Madeloc et de la Massane se détachent assez bien des Albères. Leurs rôles étaient de faire transiter l'imminence d'un danger de la vallée du Vallespir au château royal de Collioure ainsi qu'à toute la plaine du Roussillon. Cette plaine était par ailleurs avertie par la tour de Tautavel (Torre del Far), qui informait la Salanque, et par la tour de Força Réal, qui signalait le danger venant de la partie Ouest de la plaine. Ces 4 tours entouraient la plaine du Roussillon, et où qu'elle ai été, la population recevait forcément l'information d'un danger.
Changeons à présent de cap et montons en Cerdagne. La vallée de la Têt était équipée de 8 relais pour joindre Ovansa (Mont-Louis) à Força Réal, qui lui était visible de la plaine. La vallée du Carol était également équipée de tours (le village de Latour-de-Carol en témoigne toujours aujourd'hui)
Dans les Garrotxes (par Nord du Haut-Conflent), il existaient les tours suivantes, avec leurs dates de premières mentions : Thuevol citée en 865, Pujalt 942, Maurli 1021, Ayguatébia 1072, sansa 1265, Caudies 1310, Ralleu 1385, Cabrils 1010, Muncles 865, Talau 874, Les Plans 875, Bordoll 957, Pujals 962.
Le Capcir, c'est cette vallée qui monte vers le Nord (vers l'ennemi français), après Puyvalador. L'entrée de cette vallée était également gardée par 3 tours au col de la Quillane. La première était aux Angles (à présent disparue) et communiquait directement avec celle de La Llagonne, qui elle même communiquait avec celle de Fedges, relais vers le château de Sauto, puis les tours de Llar, de Prats-Balaguer et Villefranche, la garnison la plus proche.
En Vallespir le système était assez complexe. Les châteaux de Cabrenc (Serralongue) et la ville de Prats-de-Mollo étaient des points centraux. De Cabrenc les signaux partaient en différentes directions.
Même la plaine du Roussillon disposait de son système de surveillance. On a une trace de la tour de Taxo d'Avall, bien sûr en relation avec celles de la Massane et de la Madeloc.
Les 5 cartes ci-dessous montrent la liaison entre les tours dans une région donnée. Il y en a tellement qu'on ne peut pas toutes les mettre, mais ces quelques cartes donnent déjà une idée de l'étendue du réseau. Cliquez sur les vignettes ci-dessous pour les agrandir.
Dans les Albères
Dans le Capcir
En Cerdagne
Dans la vallée de la Têt
En Vallespir
Mais ceci ne constitue qu'un tout petit échantillon de ce qui existait à l'époque des rois de Majorque. D'autres tours se trouvaient à Rasiguères, à Amélie-les-bains, à Latour-de-Carol, à Laroque-des-Albères, la tour de Mascarda près de Mosset (1242) et d'une manière générale partout où on avait besoin de surveiller une vallée... où la mer : La tour de Quer Roig, au dessus de Cerbère, et tours d’En Pagès et Baille qui entoure Banyuls-sur-mer.
A présent un exemple de réseau simple : En 1348 le vicomte d'Evol fait communiquer son château historique à sa nouvelle résidence, le château de la Bastide. Il parvient par le biais de la tour d'Oreilla et contrôle également son fief de Railleu par la tour de Celra.
Concrètement, toutes les tours des rois de Majorque ont été construites de la même façon. Il s'agit d'un bâtiment d'une seule pièce de forme conique sur sa partie basse et cylindrique sur la partie haute, d'une hauteur totale de 10 à 15 mètres. Les murs sont percés de meurtrières toutes les 2 mètres placées en colimaçon de façon à suivre l'escalier interne qui monte à l'étage. Le plancher est fait en bois et le toit de l'édifice est variable, la plupart du temps il s'agit d'un toit en pointe à la charpente de bois, ce qui explique qu'il n'y en ai plus sur aucune des tours encore existantes.
Des fois la partie basse conique n'existe pas, la tour ressemble alors à un parfait cylindre de pierre. Le feu était fait dans une cage de fer, placé en hauteur sur le sommet de la tour. Cette cage avait tendance à s'abîmer, il fallait les changer régulièrement.