De quoi s'agit-il ?
L'abbaye St Martin du Canigou est l'une des nombreuses abbayes des Pyrénées-Orientales, c'est aussi l'une de celles ayant un environnement des plus charmants. En effet, l'abbaye est à plus de 1000m d'altitude sur un éperon rocheux en pleine forêt, une situation qui la rend féerique lorsqu'on arrive sur place.
Il s'agit d'un complexe assez grand de plusieurs bâtiments, de style roman. Le principal est la très bel église abbatiale, mais il y a un grand nombre de bâtiments conventionnels dont la plupart se visitent.
Visites
L'abbaye se visite, les guides sont les frères qui vivent sur place. Avant tout il faut y aller car ce n'est pas si simple. Il y a deux façons de s'y prendre, soit vous réservez un 4x4, c'est l'équivalent des taxis, soit vous y allez à pieds. Cette deuxième solution est plus sympathique, elle offre une belle balade, assez longue, sur un chemin en grande partie goudronnée mais empruntée que par ces 4x4. Vous traverserez une partie de forêt. Attention toutefois, ça grimpe sérieusement ! Le départ est à Casteil, au Sud de Vernet-les-Bains. Il faut aller jusqu'à l'église de Casteil, c'est là qu'est le départ.
Une fois sur place il y a un bureau de visite, tenu par les religieux.
Plan de l'abbaye
Quelques mesures
Église supérieure
- Longueur des nefs : 24 m.
- Longueur totale : 26m
- Largeur de la nef centrale : 3 m à 3 m 40.
- Largeur des bas-côtés : 2 m à 2 m 30.
- Hauteur de la nef centrale : 6 m 10.
- Hauteur des collatéraux : 4 m 70.
- Flèche de l'abside : 4 m 50.
- Flèche des absidioles : 3 m 50.
- Épaisseur des murs : 0 m 85.
- Épaisseur des grandes arcades : 0 m 70.
Église inférieure
- Longueur totale : 21 m 60.
- Largeur totale : de 9 m 20 à 9 m 60.
- Largeur de la nef centrale (partie occidentale) : 3 m 10.
- Largeur des collatéraux (partie occidentale) : 2 m 20
- Hauteur des nefs : 3 m.
- Profondeur des absides : 1 m.
- Longueur du choeur : 0m 60
L'épitaphe de Guifred II (97-1049)
L'église contient une pierre très intéressante, elle est écrite en écriture onciale typique du XIIe siècle, il s'agit de l'épitaphe de Guifred II, comte de Cerdagne. Initialement installée dans le cloître, cette pierre gravée fut déplacée dans l'église de Casteil en guise de pavement. Récupérée à l'époque moderne, elle fut étudiée et installée dans l'église de l'abbaye pour être vu par les visiteurs.
GUIFREDI COMITIS CINERES MONACHIQUE BEATI
ARTIFISQUE LOCI CONTINET ISTE LAPIS
FINE SUO IULIUS HUIC FINEM MILLE SUB ANNIS
BIS QUATER QUINIS CONTULIT ATQUE IX
Epitaphe de Guifred II
Ce qui se traduit par : "Cette pierre contient les cendres du comte Guifred, Saint moine et fondateur de ce lieu. Juillet en son terme lui apporta la fin, en l'an mil plus deux fois quatre que multiplie cinq plus neuf.
Histoire
Origine de l'abbaye
Saint Martin du Canigou est une abbaye située en plein cœur de la montagne sur le territoire de Casteil,
à 1055m d'altitude. Son histoire commence le 12 juin 1005. C'est en effet à cette date que le
comte de Cerdagne Guifred, arrière petit fils de Guifred le Velu, donne avec sa femme Guisla
un alleu situé sur les pentes du Canigou (sur le territoire de Vernet) à l'église de St Martin. Cette église existait donc précédemment, mais nous
n'en avons pas de traces de nos jours.
Le 14 juillet 1007, ils effectuent un nouveau don accompagné d'une clause précise : "Afin qu'en ce même lieu soit édifié en l'honneur de notre
Seigneur Jésus Christ, qu'il lui soit attaché des moines militant sous la règle du bienheureux père Benoit et que, suivant la volonté et le privilège
du pontife romain et de l'évêque d'Elne et selon l'institution du roi des Francs, on y serve désormais le Dieu tout-puissant à perpétuité."
Le comte édifia donc en accord avec ceux de St Michel de Cuxa une nouvelle fondation monastique sur ce lieu nommé St Martin. Dès le 13 novembre 1009
le frère de Guifred, l'abbé Oliba "vint au lieu appelé Canigou, pour consacrer en l'honneur de Saint Martin, évêque et confesseur de la Sainte Vierge
Marie et de St Michel archange, l'église située en ce lieu qu'on appelle monastère du Canigou, construite dans la montagne par un prêtre que l'on nomme
Sclua."
Ce Sclua fut le premier abbé de St Martin, il entretenait des relations très proches avec le comte. Il semble que se soit ensemble qu'ils aient décidé
de la façon dont seraient construits les bâtiments.
En 1025 le comte donne à l'abbaye le lieu de Vernèdes (Vernet les bains) ainsi que
Casefabre. Puis il se fait moine et rejoint la communauté qu'il a créé. Il creuse lui-même une tombe dans le
roc du Canigou qu'il va rejoindre à son décès, le 31 juillet 1050.
Le monastère n'avait rien de comparable avec celui de Cuxa. Pauvre, retiré au fond d'une lointaine vallée,
la vie sur place était très rude. Les moines devaient marcher des heures pour arriver sur les premières terres cultivables (Casteil), et les terres
qu'ils possédaient n'avaient rien de riche. D'où un bénéfice faible pour le monastère.
Le 13 novembre 1009 eu lieu la consécration de l'église St Martin en compagnie de nombreuses personnalités de l'époque. Le pape Sergius IV fit
une bulle déclarant cette institution canonique en 1011.
Les reliques
Très rapidement un problème se posa, celui des reliques.
En effet, il est important pour le rayonnement d'une abbaye de posséder des reliques de saints. Mais ces reliques ne s'acquièrent pas aussi facilement que
ça, tout simplement parce que les possesseurs actuels refusent systématiquement de s'en séparer, même à bon prix. La solution choisi par l'abbé est la force.
Aussi surprenant que ça paraisse, le fait d'envoyer des hommes d'armes à la conquête de reliques était un procédé assez courant, même pour des religieux.
C'est le comte Guifred qui arment des hommes. Ceux-ci partent avec des moines et ramènent une relique de St Gaudérique de l'église St Sernin, à Toulouse.
Durant l'année 1007 le pape Sergius IV fournit à l'abbaye des privilèges assez étendus, entre autre la pleine indépendance de l'abbaye par rapport aux autres.
Mais 100 ans plus tard, en 1114, Bernard-Guillaume de Cerdagne, comte, donna à Lagrasse St Martin, oubliant les privilèges d'inaliénation. Malgrès les
protestations des moines catalans, le successeur de ce comte, Raymond-Béranger, confirme la donation en nommant l'abbé de Lagrasse "abbé de St Martin". Ce
droit dura jusqu'en 1159, année ou les moines de St Martin parvinrent à choisir l'abbé de Ripoll, mais comme l'abbé de Lagrasse protesta, il fallut des années
de tractations entre les évêques d'Elne, de Narbonne, les abbés des 3 monastères en jeu et le comte de Cerdagne pour que St Martin puisse choisir librement son
abbé. Face à ce revers, l'abbé de Lagrasse organisa une expédition punitive et fit saccager le monastère du Canigou, un moine fut même tué.
A l'époque des rois de Majorque
Durant la reprise militaire du royaume de Majorque par Pierre IV, Jacques III de Majorque vint en Conflent avec une petite armée et prit plusieurs places
fortes. Vu qu'entre-temps St Martin avait été fortifié, ce roi sans terre attaqua l'abbaye, la mis au pillage et les religieux furent emmené comme prisonniers.
Et comble du malheur, Pierre IV crut que l'abbé avait volontairement ouvert les portes, donc lorsque Jacques III fut définitivement écarté, l'abbaye fut à
nouveau pillé, mais par les aragonais cette fois.
Or après ces malheur, en 1428, un tremblement de terre fit effondrer la tour de défense et une grande partie des habitations. Ce fut quasiment la fin de
l'abbaye car les terres qu'elle possédait, et donc les revenus engendrés (en argent ou en main d'œuvre) n'était pas suffisante pour pour tout reconstruire.
Mais ce fut sans compter sur la ténacité de l'abbé Jean Squerd, qui redonna confiance et fit reconstruire par les moines eux-mêmes. Il faut dire que leur
foi en St Gaudérique les faisait transporter des montagnes. St Gaudérique est "le patron des écluses célestes", on le prie pour faire pleuvoir ou au contraire
faire cesser la pluie. A de nombreuses reprises les reliques de ce Saint ont été sorti de l'abbaye pour être descendu en plaine, en particulier cette année
1613 où, en cours de route elles furent arrêtés à Villefranche de Conflent : le viguier, Dalmau de
Descattlar avait pris l'initiative de stopper la procession pour les empêcher de descendre dans la plaine.
Face à ce sacrilège, une armée de 2000 hommes, commandée par le capitaine Jorda, monta de Perpignan dans la vallée de la Têt. Ils prirent le 23 janvier
1613 Ria, puis Sirach, des avant-postes de Villefranche. Puis le 29 janvier une pluie
de boulets (non demandée à St Gaudérique !) s'abattit sur la ville, tuant 200 hommes contre 1 chez les perpignanais. Les vignes et les vergers alentours
furent rasées également en guise de punition. Ce fut une expédition des almogavares, ces fameux soldats catalans sans bouclier.
Déchéance et renaissance
St Martin du Canigou fut un vrai centre religieux au sens "retraite", à plusieurs reprises ce eux qui furent envoyé relever la foi d'autres monastères,
"plus léger" dans l'organisation quotidienne. Mais durant le XVIIe siècle, la vie devint vraiment difficile pour les moines. Le 4 septembre 1779, la petite
communauté dû se rendre à l'évidence, ils commencèrent à prévoir la fermeture de l'abbaye.
Le 7 décembre 1783, la communauté de St Martin du Canigou fut dissoute. Les reliques de St Gaudérique furent transportées à Perpignan, les ossements de
Guifred furent descendu dans l'église de Casteil. En 1793 ils seront dispersés par les soldats de Ricardos. La communauté se sépara définitivement. Les ruines
de l'abbaye seront remontées par l'évêque de Perpignan de Carsalade du Pont, au début du XXe siècle qui rachète les ruines.
De 1952 à 1971 Dom Bernard de Chabannes achève la restauration et restaure la vie spirituelle.
Et de nos jours...
Actuellement et depuis 1988, les "Béatitudes" se chargent de l'intendance. Leur but est de maintenir une présence dans les lieux sur base de prières, mais
aussi d'assurer les visites et l'entretien des bâtiments. Les membres, au nombre de 17 en 2005, vivent de la ventes des billets et des produits dérivées. Ils
s'agit essentiellement de laïcs. Le responsable de cette communauté expliquait (repris de l'Indépendant, 10 décembre 2005) :
Nous sommes 17 personnes à occuper les lieux en permanence, il y a des familles, des célibataires, mais aussi des clercs et des religieuses,
tous engagés dans un mouvement de foi. Nous avons une démarche spirituelle reconnue par le Conseil Pontifical Laïc. A travers notre mixité
nous remplissons un rôle original au sein de l'Eglise. Nous ne sommes évidemment ni une secte, ni adepte d'un quelconque mouvement de type
new-age. C'est bien sûr difficile à comprendre pour ceux qui ne peuvent s'imaginer que la pureté existe.