De quoi s'agit-il ?
Le prieuré Sainte Marie du Vilar est un très bel ensemble de bâtiments religieux découvert au XXe siècle. Il s'agit d'un prieuré
d'augustins. De nos jours en grande partie restaurée, il est visitable et sa visite est même fortement conseillée.
Description des bâtiments
Le prieuré se compose de plusieurs bâtiments.
Le cloître à la particularité d'être à un seul côté. Seul le prieuré de Serrabone est construit de la même
façon, dans le département des Pyrénées-Orientales. Il a trois arches, le plafond est en épaisse poutres de bois pour soutenir les appartements du
prieur. L'église a une particularité : ses fresques. En effet, les moines décorèrent l'intérieur de l'église comme ils le faisaient toujours, mais
lors de leur départ en 1538 ils prirent soin de recouvrir les fresques d'un deuxième crépis de protection. Ainsi lors de la restauration il a été
découvert par hasard un bout de couleur et les spécialistes du musée du Louvres, dépêchés sur place pour retirer le crépis, mirent à jour les
fresques les mieux conservées du département.
Hélas ces fresques avaient été partiellement détruites par des travaux réalisés en 1956 à la demande de la DRAC de Montpellier. Un travail de
restauration du toit d'abside fut réalisé, mais une maladresse l'a fait être relevé à mi-hauteur de l'oculus ouvert et mal obturé, il a servi
d'entonnoir à toute l'eau de ruissellement du mur pignon. Arrêté par ce toit insolite qui aurait dû être beaucoup plus bas, le cheminement de cette
eau a effacé ou détérioré une partie des fresques. Au grand désespoir de Lucette Triadou "Présidente et propriétaire du Vilar depuis 1993" ainsi que
de M. Olivier Poisson inspecteur en Chef des Monuments Historiques présent sur les lieux.
Des travaux de restauration du Vilar et de recherches des peintures furent entrepris par l'équipe de spécialistes Sinigaglia et Langlois, elles
alors furent stabilisées en l'état. Ces travaux furent réalisés seulement 39 ans après l'incident des travaux du toit, en 1995. Il reste tout de même
suffisamment de couleurs pour reconnaître sous le dôme du cœur la scène de l'annonciation et les 4 évangélistes symbolisés, sur les murs du cœur les
12 apôtres et ce qui pourrait être une frise de l'apocalypse et enfin sur les côtés différents motifs difficilement traduisibles.
D'autres fresques sont visibles à l'extérieur du bâtiment, sur un crépis de la même époque. La porte de l'église est également remarquable. Sa
particularité est d'être asymétrique, puisqu'un pilier est surélevé par rapport à l'autre. Les chapiteaux sont décorés de têtes aux attitudes différentes
(effrayée, pacifiée, ...). Le bois de la porte est percé d'étranges trous triangulaires, carrés ou ronds, fermants par des pièces en bois adaptées.
En fait, il s'agit de meurtrières car la région n'a pas toujours été sûre. L'attitude de certains ordres religieux, étalant leurs richesses comme les
bénédictins, faisait naître dans la tête certains brigands l'idée que les augustiniens étaient eux
aussi riches, alors que le vœu de pauvreté qu'ils avaient fait été réellement suivi.
D'ailleurs pour mieux défendre le prieuré les habitants du lieu avait construit une tour carrée qui prenait appui sur le mur Nord du bâtiment
wisigothique. Cette tour s'est effondrée en même temps que le clocher lors des tremblements de terre du XVe siècle.
Histoire
Préhistoire et Antiquité
Le site de Ste Marie du Vilar fut occupé dès les premiers temps par les hommes préhistoriques. On a retrouvé des armes du néolithique récent, en particulier
une pointe de flèche taillée dans la pierre.
Ce site, déserté puis reconquis par les romains fut l'emplacement choisi pour la construction d'une tour de surveillance durant le 1er siècle. Elle mesurait
6 mètres de diamètre et sa hauteur nous est inconnue, mais il en reste de nos jours deux mètres depuis sa base. Elle est visible dans l'église, à cheval sur le
cœur et la nef. Cette tour surveillait la Via Domitia, qui passait non loin de là. Il faut dire que la vue est bien dégagée.
En marge de la tour, les romains ont également construit tout une série de bâtiments plus modestes, très proches de la tour (2 mètres à peu près), ainsi qu'un
amphéum. De cette époque aussi nous avons retrouvé de nombreux reliefs, notamment des céramiques sculptées dont certaines datent de l'époque ibère.
Après la chute de l'empire romain, les wisigoths s'installèrent à Toulouse et fondèrent un nouveau royaume. La Septimanie y fut englobée et les wisigoths
commencèrent à construire, certes peu, mais en général sur les restes des édifices romains. C'est ainsi qu'à proximité de la tour de surveillance, sur les restes
des anciens bâtiments romains, ils construisirent un bâtiment rectangulaire d'à peu près 12m par 5 dont le toit était en végétaux, probablement pour accueillir
une petite garnison. Les wisigoths nous ont laissé des sarcophages. Initialement au nombre de 13, il n'en reste plus que deux sur le site. Ils sont en marbre bleu
de céret et sont visibles à côté de l'entrée de l'église.
D'autre part ce peuple était chrétien. C'est donc tout naturellement qu'ils ont construit une église pré-romane dont les fondations ont été mises à jour.
Curieusement elle est tournée vers le Nord-Est. Puis se fut la conquête sarrasine, dévastatrice. Les wisigoths fuirent l'envahisseur, le site fut déserté.
L'époque monastique
Suite à la reconquête carolingienne sur les sarrasins en 811, les religieux ont bâti des abbayes dans toute la région, abbayes qui ont fait construire de multiples
sanctuaires dans les coins les plus reculés de la région. C'est toute la chrétienté qui s'est développé d'un coup, créant d'ailleurs le style "art roman catalan".
C'est grâce à ces évènements que fut construit Ste Marie du Vilar en 1083 par des moines augustiniens. En arrivant sur le site ils découvrirent des murs solides,
des fondations à toutes épreuves. Désirant utiliser un maximum de bâtiments existants, les moines se servirent des ruines pour construirent d'une part une église,
puis un cloître au dessus duquel se trouvait les appartements du prieur, d'autre part des chambres de moines dans le bâtiments wisigothiques. Bien sûr, ils l'avaient
profondément modifiés, créant des arcs intérieurs pour soutenir un premier étage. On trouve une première mention du lieu en 1093 sous le nom de Sancta Maria de Vilari.
La Déchéance du prieuré
L'église, bien que commencée en 1083 ne fut consacrée que le 16 juillet 1142, soit 60 ans plus tard. Tout aux longs des siècles qui suivirent différents corps de
métier sont venus s'installer à proximité du prieuré, comme ça a été le cas autour des autres prieurés (Serrabone,
Marcevol). Une forge s'est construite le long du petit ruisseau, légèrement plus haut. Un tailleur dont les outils ont été retrouvé,
ainsi que des verriers complétèrent le village.
1180, c'est l'année durant laquelle l'église Saint-Jean-l'Evangéliste (Commune de l'Albère) a été donné au prieuré, marquant
ainsi le début de son expansion territoriale. Beaucoup plus tard, en 1435, on trouve dans un document écrit une mention du lieu : Prepositura de Vilari.
En 1538, les moines partirent définitivement de Ste Marie du Vilar. Ils prirent soin de recouvrir les fresques, mais également de confier la clef du prieuré à une
famille de Laroque des Albères charge pour elle de la conserver jusqu'à ce que la vie monastique puisse reprendre au
Vilar.
En 1994, alors que les fouilles avaient fait surgir le prieuré des terres où il était enfoui, une habitante de Laroque est venu porter une clef au responsable des
fouilles. Cette clef, qui lui avait été donnée par ses parents a traversé 450 ans dans la même famille avant d'être à nouveau réutilisée ! Avec le départ des moines
la vie du village périclita. En 1611 il fut uni à la rectorie de Villelongue del Mont, c'est à dire qu'il fut sécularisé. On le retrouve en 1645 sous le nom de
Pabordia del Vilar, puis il apparaît dans la liste des ermitages du diocèse d'Elne en 1688 (hermita de Nostre Senyora de Villelonga del mont). Son
activité fut arrêté définitivement par la révolution française, qui déclara que les biens de l'Eglise étaient des biens d'Etat. L'ermitage fut vendu et transformé
en grange, puis disparu.
En parallèle les habitants commencèrent à se déplacer vers Argelès ou tout simplement plus bas dans la plaine, et vers
1750 on n'a plus entendu parler du Vilar.
De 1802 à 1942 les terres sur lesquelles se trouvait le prieuré furent acheté par un berger, l'église servit alors de bergerie. Pendant tout ce temps, les ruines du
village furent peu à peu ensevelies par des milliers de mètres cubes de terre descendant peu peu de la montagne.
La restauration
En 1994 les habitants de Laroque des Albères avait l'habitude de venir se promener autour des ruines du Vilar. A
proximité de l'église se trouvait ce que tout le monde appelait "le four", un petit arceau de pierre ressemblant effectivement à un four.
C'est cette année qu'entre en jeu une aveyronnaise d'origine, amoureuse du prieuré et que je n'hésiterai pas à qualifier de bienfaitrice du patrimoine catalan :
Mme Lucette Triadou. Elle décide tout simplement de racheter au berger le prieuré, fonde un association pour le restaurer et commence par dégager le four. Surprise,
ce n'est pas un four mais le haut d'une porte, ce qui permis de constater que les fouilles n'allaient pas se dérouler au niveau du sol mais bien jusqu'à plusieurs
mètres en dessous. Et au lieu de se contenter de restaurer l'église comme s'était prévu initialement, l'association du faire face à la découverte des différents
restes des civilisations qui se sont succédées ici. Les bénévoles vinrent en nombre, souvent des spécialistes comme les fresquistes, des architectes.
En 1995 les fresques sont découvertes, elles sont restaurées par les monuments historiques, puis ce fut la découverte de l'amphéum, de la tour romaine et des
outils préhistoriques. Et tout ça grâce à la motivation de Mme Triadou. Permettez moi de vous le dire : Merci madame.
Aujourd'hui les fouilles sont quasiment terminées. Le site est ouvert au public et il fait partie du réseau patrimoine des Pyrénées-Orientales. Allez donc le
découvrir, et faites comme moi, remerciez bien chaleureusement Mme Triadou, elle est souvent sur le site. Cette restauration a fait l'objet de récompenses, ce qui
n'est que juste retour des choses.
- 1993 : Prix National des Monuments Historiques
- 1994 : Prix National des Monuments Historiques
- 1995 : Prix des Vieilles Maisons Françaises
- 1996 : Prix des Pays de France
- 1999 : Prix des Pays de France
- 2000 : Prix de l'étude Dumousset Deburaux (décerné par VMF)